Que ce soit le travail ou les vacances qui amènent à voyager, il y a des éléments essentiels pour rendre l’escapade inoubliable. Retournez à un endroit de prédilection et visiter des coins familiers donne le sentiment d’être à la maison. Toutefois, laisser de l’espace dans l’itinéraire pour des moments réserver à la nouveauté est vital. L’aventure de découvrir des petits bijoux rappelle pourquoi c’est si nourrissant de partir à l’étranger. La vallée du Rhône a été pour moi un lieu de travail à plusieurs reprises, surtout cette année. Au moment où j’écris ce texte, ma valise me tient compagnie. Je quitte dans quelques heures pour d’autres péripéties. Pourquoi y retourner si tôt, alors qu’il y a tant d’endroits à parcourir? Parce que la région est complexe et plus on creuse, plus on comprend la subtilité et les nuances qui dessinent chaque appellation. Ma dernière visite dans la vallée du Rhône sud m’a donné soif d’en apprendre encore plus.

Mise à part sortir mes lunettes fumées, mon premier rituel lorsque j’arrive dans ce coin de pays c’est de commander un verre de vin blanc. Certes, nous avons le bonheur de trouver quelques bouteilles au Canada, mais mettre les pieds sur cette terre baigner par le soleil ouvre un monde de possibilités. La gamme des cépages blancs qui se retrouvent généralement en assemblage en alliant fraîcheur et générosité est un des secrets les mieux gardés de la région. Citer un seul cépage serait injuste. Le grenache blanc est tout aussi intéressant que le bourboulenc, le vermentino, le picpoul ou la marsanne et la roussanne, pour en nommer que quelques-uns. Ceux-ci deviennent encore plus captivants lorsque vinifiés ensemble, le tout étant plus grand que la somme de ses parties. Pourtant, la clairette m’a complètement subjuguée lors de ma dernière excursion. Mettre les pieds dans un vignoble à Lirac sur lequel fleurissent des vignes non irriguées qui ont plus de 150 ans d’âge a sans aucun doute contribué à cette idylle. Ce trésor appartient au Château historique de Montfaucon. Malgré le climat sec et aride, la clairette murit tardivement et s’épanouit dans plusieurs autres coins du Rhône méridional. Les vins résultants sont munis d’une faible acidité et d’un taux d’alcool élevé. Cependant, l’amertume très agréable en fin de bouche ainsi que les notes de fleurs blanches et de fleurs d’oranger qui sont en symbioses avec les notes d’agrumes donnent une impression de fraicheur. Si vous avez la chance de mettre la main sur une bouteille de Vin de Madame la Comtesse de Montfaucon, achetez-la! Elle démontre les grandes qualités de la clairette et vous permettra de la repérer lorsqu’elle se retrouve dans un assemblage. Les vins sous l’appellation de Clairette de Bellegarde offrent une autre occasion de la découvrir.

Savourer d’excellents produits qui expriment la nature du terroir offre un plaisir incomparable. Une notion importante alors que nous sommes de plus en plus inondés par une proposition qui est de plus en plus homogène. Je lève mon verre particulièrement aux rosés de Tavel et de Lirac qui ont résisté à la tentation de suivre l’engouement généralisé de faire des vins pâles et légers. Même si chacune de ces appellations se distingue par des subtilités, elles partagent une couleur saumonée foncée avec un palet généreux aux arômes de pamplemousse rose et fruit rouge qui sont soutenus par des notes agréables de garrigues. Robustes et remplis de caractère, les vins de ces deux régions doivent s’apprécier à la table pour s’épanouir. Un steak tartare ou simplement une assiette garnie de pâtés et charcuteries feront sourire tout épicurien. Pour ceux qui aiment rapporter des souvenirs à la maison, ces bouteilles seront se bonifier de 3 à 5 ans. Rien de plus agréable que d’avoir l’impression de boire une dose de soleil en pleine journée d’hiver. L’odorat a ce pouvoir de transporter dans un lieu et d’évoquer de doux souvenirs…

Un amour inattendu, les collines bucoliques du Massif-D’Uchaux ont volé mon cœur il y a quelques mois. Cette région moins connue est un massif boisé qui couvre un total de 201 hectares de vignes. Le paysage est riche en faune et en flore et ses sols majoritairement calcaires et très caillouteux ainsi que sa richesse en grés silico-calcaire produit des vins rouges typés, soulignés par une fraicheur et une pointe de minéralité. Les vins reposent majoritairement sur le grenache noir (min 50%) et ce dernier a pour compagnon la syrah et le mourvèdre (min 20%). Alors que l’appellation de Côtes du Rhône Villages Massif-D’Uchaux AOC se décline qu’en rouge, plusieurs producteurs font d’excellents blancs et les embouteillent sous Côtes du Rhône AOC. Si vous avez la chance de vous rendre sur place, le Domaine de la Cabotte qui est en biodynamie est un incontournable. Sachez-le, il se peut que vous décidiez de ne plus revenir…

Gardant la même thématique, Côtes du Rhône Villages Valréas envoute tout autant. Dans ce territoire nordique du Rhône Sud, le climat méditerranéen est influencé par le vent des alpes et permet aux artisans de faire des vins un peu plus vifs que les voisins du sud. Les vins unissent puissance et finesse et les meilleurs exemples ont un charme irrésistible muni d’une texture soyeuse et d’un potentiel de garde. Chez Clos Bellane, Stéphane Vedeau fait de grands vins offrant un excellent rapport qualité-prix. Juste un peu plus au sud, Visan est une autre perle. Les habitants attribuent l’élégance des vins au sols argilo-calcaires. Les rouges constituent 93% de la production et le profil valse entre fruits noirs et fruits rouges avec une touche d’épice qui ajoute de la profondeur. Le grenache, la syrah ainsi que le carignan et le mourvèdre jouent les rôles principaux. Le Domaine La Florane en vaut le détour.

Mon dernier arrêt lors de mon passage à l’automne fut Gigondas. C’est aussi ici que je débuterai mon prochain voyage. Lorsque j’ai découvert les vignobles de la vallée du Rhône il y a plus de 20 ans, Gigondas a été mon premier amour. À l’image d’une relation qui perdure, plus que je comprends la complexité du terroir et de la géologie, plus mon amour grandit. Au pied des époustouflantes Dentelles de Montmirail, cette appellation de 1200 hectares est couverte de forêt qui est protégée depuis 1978. Les sols calcaires ainsi que l’air froid qui descend depuis trois différents endroits régularise l’excès de chaleur et produit des rouges et des rosés exquis. On y retrouve plusieurs tonalités, mais la complexité, la structure et la fraicheur sont toujours au rendez-vous. Les producteurs attendent patiemment l’approbation pour le droit de faire du Gigondas blanc. Avec un tel terroir, ceux-ci risquent d’être majestueux! Pour ceux qui aiment le cardio, une excursion dans la montagne propose la meilleure méthode pour explorer ce joli mont. Si les coteaux ne font pas peur, la bicyclette offre une autre option agréable.

Il est impossible de comprendre la totalité de la vallée du Rhône en lisant un livre, un texte ou en une seule escapade. La meilleure tactique demeure de s’immerser complètement en mangeant avec les locaux, en dégustant avec les producteurs et cela, pendant plusieurs semaines. Chacune des régions mérite d’être décortiquée en profondeur. D’ici à ce que le temps vous permette de vous envoler vers cette petite mine, je vous recommande fortement de rassasier votre curiosité en appréciant les produits de la région. Une méthode abordable et agréable de voyager. Santé!

Les bonnes tables dans le Rhône méridional …

L’Oustalet
La Table de Sorgues
La Beaugravière
Mon option favorite: acheter des produits frais au marché et préparer le dîner.