Imaginez que vous n’avez que trois minutes pour non seulement évaluer et identifier un vin, mais aussi de confirmer sa température de service appropriée, son choix de verrerie, la fenêtre idéale de consommation et de proposer un accord de met. Mais comme le sommelier Steven Robinson suggère, citant Shakespeare, “la brièveté est l’âme de l’esprit.”

 

Premier nez : 15 secondes

S’il y a plusieurs vins, je hume à travers l’ensemble rapidement afin d’identifier ceux que je crois seront plus facile à identifier et j’attaque ceux-ci en premier, m’attardant aux blancs avant les rouges et, si possible, les vins secs avant les liquoreux. Ceci optimise l’efficacité et la rapidité.

 

Visuel : 15 secondes

Vous ne pourrez jamais déterminer l’identité d’un vin à sa seule apparence, mais vous pouvez déduire de nombreuses caractéristiques par l’examen visuel. Les sommeliers qui sont entrainés pour les dégustations en vitesse réalisent cette étape tellement rapidement qu’on les croirait des animateurs d’encan mais je dirais que 15 secondes sont appropriées pour le commun des mortels. La clarté, la couleur et sa profondeur, la teinte secondaire ou les différences en bordure, les larmes et la présence de gaz ou de sédiments peuvent toutes assister dans la détermination des niveaux d’alcool, des origines climatiques possibles, de l’épaisseur de peau du raisin, de la condition du raison lors de la vendange, des techniques de vinification, de l’âge du vin et peut-être même du type de bouchon de la bouteille.

 

Deuxième nez : 40 secondes

Initialement, je prends un premier échantillon olfactif rapide, sans remuer le vin, pour détecter des défauts possibles et déterminer l’intensité aromatique du vin. Par la suite, un coup de poignet pour une rotation du vin et je hume pour confirmer l’intensité et forger une image de ce que le vin me présente. Finalement, un deuxième tour du vin en verre et je hume avec la bouche légèrement ouverte pour compléter l’image. Déposez alors le verre et laissez le vin vous parler. Décrivez la famille de fruit — agrumes ou tropical, par exemple — et son caractère : est-il frais, sous-muri ou avec notes de confiture. Ensuite identifiez tous les autres arômes non-fruités détectés, tels que les épices, les notes florales et le chêne.

 

Première gorgée : 10 secondes

Un moment calme. Je valide la consistance du palais avec mon analyse olfactive et je commence à calibrer la structure du vin.

 

Deuxième gorgée : 75 secondes

Une analyse correcte des composantes structurelles du vin — taux de sucre, acidité, corps, alcool et tannins — est critique. Soyez patient à cette étape. Les impacts de l’acidité, de l’alcool et des tanins croissent typiquement avec le temps, alors il est préférable d’attendre un peu pour s’assurer de réaliser une lecture correcte de ces caractéristiques en bouche. Laissez le vin bien s’exprimer. Par la suite, passez aux descriptions aromatiques en bouche comme celles au nez, fruit et non-fruit, et aux descriptions de texture, d’équilibre et de longueur pour compléter. Tout en exprimant à haute voix ses analyses, le sommelier réfléchi réussit à engager son auditoire et les juges. Le professionnel peut déposer son verre et décrire complètement le vin sans y retourner.

 

Conclusions finales : 25 secondes

Tout culmine à ceci. Identifiez le vin et donnez le plus d’information possible. Dix secondes restantes. Respirez.

 

 


 

 

Dégustation de 3 minutes

 

Premier nez

Bingo! Ceci crie Riesling au nez. Il ne me reste qu’à identifier sa provenance. Note perso : malgré ma reconnaissance des arômes du Riesling, ne pas simplement débouler les notes de dégustation habituelles du Riesling. Mais d’où provient-il?

 

Visuel

Brillant, clair, couleur paille pâle avec une teinte platine et un filet vert en bordure larmes légères. Il est jeune, faible en alcool. Climat frais? Certainement non boisé.

 

Deuxième nez

Assez intense. Il y a des notes de citron et de lime mais le fruit n’est pas  totalement frais. Les arômes sont un peu confis et mielleux. On trouve la note classique de pétrole du Riesling en plus d’un caractère minéral. Le vin semble graviter plus autour de la minéralité que du fruit. Définitivement pas de chêne neuf. Des notes d’agrumes, florales et de cire à l’arrière plan. Je vote Nouveau Monde.

 

Première gorgée

Acide! Mais une touche sucrée aussi.

 

Deuxième gorgée

Sucre en équilibre avec l’acidité. Je crois que le sucre résiduel est plus élevé qu’il apparaît. Je vote pour semi-doux, malgré qu’il se présente comme un vin presque complètement sec. Le corps est léger et faible en alcool. Il est très juteux et provoque la salivation. Le fruit est fidèle à la lecture olfactive et le caractère minéral continue à dominer, accompagné des notes de pétrole. Excellent équilibre et belle longueur en bouche. Aucun boisé. Fermentation en cuve inox. Mais d’où provient-il?

 

Conclusions

Riesling est la seule option. Sa structure est critique ici car elle n’est pas typique de l’Allemagne, de la France ou de l’Autriche. Il provient du Nouveau Monde. Australie? Ontario? Okanagan? Finger Lakes? Il possède un peu de vieillissement en bouteille … trois, quatre ou peut-être même cinq ans d’âge.

 

C’est un Riesling, Nouveau Monde, Canada, Ontario, Péninsule du Niagara. Il possède le caractère minéral  typique de l’escarpement du Niagara et la profondeur d’un style vieilles vignes. Millésime 2014.

 

Ce doit être le Riesling 2014 du vignoble Charles Baker Picone, sous l’appellation Vinemount Ridge DVA.


Si cela pouvait être aussi facile.

 


Photo par Perry Jackson